Les Echos 10-09-’04 • Jean-Pierre Bruneau

Une voix de Curaçao

Pour prolonger I’été, un très agréable CD d’une chanteuse qui nous vient de Curaçao, I’une des îles néerlandaises des petites Antilles. Crioyo signifie «créole» en papiamento, la langue locale qui n’est rien de moins qu’un créole portugais mâtiné de termes africains et espagnols. Cette curieuse influence linguistique lusitanienne dans un pays qui a toujours été colonie Hollandaise est due à l’Inquisition durant la-quelle nombre de juifs portugais chassés de chez eux au XVIIe siècle trouvèrent d’abord refuge aux Pays-Bas puis dans les possessions de ce pays comme à Curaçao, où ils furent longtemps plus nombreux que les bataves «de souche».

«Crioyo» est le troisième (et le plus abouti) des albums solo d’Izaline Calister, qui émigra en Hollande à l’âge de dix-huit ans pour suivre ses études et fit ensuite partie des ensernbles de world fusion Pili Pili (où elle succéda à Angélique Kidjo) et Dissidenten.

Sa voix, caractéristique et colorée, sait susurrer tendrement, puis se lancer sans transition dans des crescendos déchaînés. Izaline a écrit les paroles de la plupart des douze titres de ce CD, tous chantés en papiamento et qui, musicalement, dénotent une belle pallette d’influences. Si une large place est faite aux rythmes de son île natale, tumba, tambú, muzik di zumbi, on y entend aussi du zouk (avec Ie morceau «Wow’i Kariño», lzaline démontre qu’elle a l’abattage d’une Jocelyne Béroard), du jazz (irréprochable phrasé sur de très jolies ballades), de la bossa nova et du calypso. Une orchestration variée et colorée avec des musiciens aussi à l’aise dans le funk, les violons à la Malavoi ou encore la marimbula ou rumba box, l’instrument fétiche du mento jamaïcain, contribue à renforcer l’attrait de ce disque original et délicieux.